Durant la Semaine Sainte nous vous proposons une méditation quotidienne, signée par une femme. Aujourd’hui, nous donnons la parole à Sr Rossana Aloise.
Lectures du 6 avril – Lundi Saint
La Semaine Sainte concentre les évènements les plus importants de la vie de Jésus: de l’entrée en Jérusalem, célébrée hier avec le dimanche des Rameaux, jusqu’au grand silence du Samedi Saint, prélude de la grande Veillée pascale en passant par le Jeudi et le Vendredi Saints.
Passion, mort et résurrection du Seigneur sont au cœur de la foi chrétienne, le centre de toute l’année liturgique, et cette année, dans cette situation particulière caractérisée par la pandémie du COVID-19, nous pouvons les lire avec des yeux différents, hors de toutes les habitudes et les célébrations traditionnelles.
Nous sommes en train de nous préparer à Pâque depuis 40 jours. Le chiffre 40 est très important dans la Bible. C’est un chiffre symbolique qui représente les moments cruciaux de l’expérience du peuple de Dieu et de chaque croyant. Les 40 jours de Jésus dans le désert, les 40 ans du people d’Israël dans le désert…
C’est le temps d’une longue attente, une longue épreuve, un temps suffisant pour voir les œuvres de Dieu, pour « comprendre » les choses de Dieu. Il s’agit d’un carême étrange cette année, où ce n’est pas nous qui avons choisi les « sacrifices », les privations, les « fioretti », mais les circonstances nous les ont offertes, on dirait même imposées.
Peut-être ce carême va durer un peu plus que 40 jours, mais on peut en profiter comme temps favorable pour nous laisser façonner, purifier, réconcilier par le Seigneur.
Essayons d’accompagner le Seigneur Jésus jour après jour, pas à pas, vers l’accomplissement de sa vie et de sa mission, vers le don total de lui-même, vers sa passion et sa mort… en attendant la Résurrection et nous pouvons le faire en nous plongeant dans les lectures que la liturgie nous offre cette semaine.
Aujourd’hui nous allons avec Jésus à Béthanie chez ses amis, Lazare, Marthe et Marie, et nous restons à table avec eux.
Dans les derniers jours de sa vie, Jésus cherche un lieu accueillant, des relations proches, cherche des amis, veut passer du temps avec eux… et jamais peut-être comme durant cette « période d’isolement forcé » que nous vivons, nous avons ressenti l’importance de pouvoir nous retrouver ensemble pour un bon dîner ensemble, pour quelques rires, une discussion, un partage, un espace de vie et de nourriture pour l’âme comme pour le corps.
Mais durant le repas à Béthanie décrit dans l’évangile de ce jour, il y a un geste qui dérange Judas Iscariote, l’un des disciples, et peut-être qu’il dérange aussi « l’homo oeconomicus » que nous habite : « Or, Marie avait pris une livre d’un parfum très pur et de très grande valeus ; elle versa le parfum sur les pieds de Jésus, qu’elle essuya avec ses cheveux ; la maison fut remplie de l’odeur du parfum » Juda apparaît très contrarié par ce geste : « Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum pour trois-cents pièces d’argent, que l’on aurait données à des pauvres ? » Mais Jésus lui répond : « Laisse-la observer cet usage en vue du jour de mon ensevelissement ! Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, mais moi, vous ne m’aurez pas toujours. »
Nous sommes habitués à vivre en faisant des calculs (pas uniquement économiques), à calculer le temps, les jours, le minutage, et voici que rencontrons Marie qui gaspille du parfum précieux pour son Seigneur, pour son ami. Elle gaspille, car elle est capable de gratuité. Elle gaspille, car elle aime, et celui, celle qui aime ne fait pas des calculs, il donne… souvent avec excès.
L’amour de Marie est un surplus, l’amour de Dieu pour l’humanité est un surplus au tel point qu’il donne son Fils unique pour le Salut du monde.
Laissons-nous interpeller par ce geste de « gaspillage » : ou nous nous plaçons en ce récit ? (Jn 12, 1-11), laissons-nous, nous interpeller par le « gaspillage » de l’amour de Jésus.
En absence d’assemblées liturgiques, de moments de dévotion et prières publiques, dans l’impossibilité de célébrer ensemble dans une église, c’est l’occasion plus que jamais de mettre en lien les évènements de la vie du Christ avec notre quotidien… c’est là qui est en jeu notre foi, dans l’attente de nous nourrir ensemble au même Corps, de pouvoir « faire communauté » dans la réalité, non pas seulement « en ligne »
Que faire durant cette Semaine Sainte ? Nous pouvons contempler le mystère de l’amour de Dieu fait homme qui donne sa vie pour nous tous et toutes, un amour total, « gaspillé », donné jusqu’au bout.
Bonne semaine sainte !
Sœur Rossana Aloise*, responsable catholique de l’Aumônerie de l’Université de Genève
*Sœur ursuline fille de Marie Immaculée
6 avril 2020
Crédit image: Centre Aletti